(...) Le décor dépouillé de la pièce, les premiers échos de percussions au-dehors, Teresa et son habit de feu, tout s’assemblait en une mosaïque démente. Ces doigts féminins dans la chevelure lui procuraient un étrange plaisir coupable tandis que le cordon de la réalité s’étirait dangereusement et menaçait de casser à chaque instant. Sa forte amnésie égarait inévitablement Alain vers des états de conscience inconnus.(...)
(...)Le babalawo inspirait le respect à la foule malgré son costume bariolé à outrance. La manifestation d’une énergie inexplicable exerçait son emprise magique sur les esprits. La rythmique monotone mais terriblement envoûtant des hierros tournait la tête d’Alain, qui ne s’était même pas demandé comment il avait soudain échoué dans la cour; les battements atteignaient une folle intensité sonore dont l’écho se répétait jusqu’aux tripes. Les mulâtresses prises de spasmes envahissaient l’atmosphère électrique de leurs danses effrénées, ferveur religieuse et ondulations érotiques mêlées en un rite blasphématoire.
Alain sentait le rhum lui brûler la gorge et se consumer dans son estomac malade; fiévreux, excité et transpirant toute l’eau de son corps le jeune homme se sentait ivre à en vomir; il arracha la tunique en coton rouge qui collait à sa peau incandescente. Bondissant hors de son enveloppe de calme habituel il se jeta dans la foule dansante entraîné par la surpuissance physique de la santeria. La poitrine déchiquetée par les percussions, il partait à la dérive devant cette petite maison vétuste de Guanabacoa. Son teint blafard le trahissait dans cette obscurité démente, trichant avec l’infinie beauté des métis dans ce tableau de chairs humaines aux teintes multiples. Pris dans le tourbillon des santeros, Alain, paquet de moiteur désarticulé, prit son envol.(...)
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